samedi 8 novembre 2014

Faire des résumés? Pas un bon plan!

"L'activité dite de résumé a un statut qui peut être ambigu. Elle est parfois très proche de la restitution (...), dans d'autres cas elle exige une activité préalable d'analyse et une reformulation assez conséquente."
(J.L. Wolfs, Méthodes de travail et stratégies d'apprentissage, 2001, De Boeck, p. 21)

Résumer: pour le meilleur et pour le pire.

Lorsque Tacite employait 
au 1er siècle de notre ère le verbe resumere, il souhaitait rendre compte d'une activité bien précise que nous traduirions aujourd'hui par "reprendre" ou "recommencer" (reprendre le combat, ou reprendre et rétablir un malade).

Les anglophones ont d'avantage conservé l'idée de poursuivre quelque chose, après une interruption par exemple: "they've resumed work" est ainsi traduit par "ils ont repris le travail". Par contre, les francophones ont détourné cette signification originaire pour lui donner la tournure que nous connaissons bien: résumer consiste à reprendre en abrégeant.

Ce qui fait la valeur d'un résumé est sa capacité à "ne rappeler que les points importants, et à donner à chacun d'eux le plus de force, mais le moins d'étendue qu'il est possible" (Jean-François MARMONTEL, Oeuv. t. IX, p. 242). Les professeurs de français en font un exercice important qui a toute sa place dans le programme des études secondaires. Il s'agit alors de vérifier la compréhension qu'a acquise d'un texte l'apprenant via son aptitude à en reprendre les idées principales en respectant la structure du texte d'origine, mais en condensant le propos et en employant des mots différents. Dans un tel exercice, deux compétences au moins sont donc évaluées: 1) pouvoir ré-exprimer avec ses mots à soi le message énoncé dans le texte étudié (en respectant les idées et leur structure d'enchaînement), et 2) condenser en un minimum de phrases le message véhiculé par ce texte. On trouve facilement des méthodes très précises décrivant comment réaliser correctement un résumé.

Ceci étant dit, venons-en à l'essentiel de notre propos: peut-on encourager les étudiants à faire des résumés lorsqu'il s'agit d'assimiler le contenu de notes, syllabi et autres supports du cours qui feront l'objet d'examens durant les années de baccalauréat et de master?

Puisque le résumé est un texte réécrit dans un espace limité, de nombreux étudiants en font spontanément leur arme favorite: ne rêvent-ils pas de limiter au maximum ce travail ingrat qui consiste à mémoriser? Imaginez que votre syllabus compte 600 pages: n'est-il pas tentant d'en extraire un résumé de 60 pages qu'il "suffira" d'apprendre une fois le blocus venu? Aller à l'essentiel et économiser son effort, tels sont les mots d'ordre. Le blocus  étant limité dans le temps, ne convient-il pas de donner de la place à tous les cours? En condensant, en réécrivant l'essentiel avec ses propres mots, n'a-t-on pas trouvé la méthode de travail idéale?

C'est pourtant une très mauvaise stratégie! Le résumé s'avère être un outil utile que dans un nombre très restreint de situations, lorsque pour un cours de sciences humaines (littérature ou histoire typiquement) il est demandé de condenser l’argumentation d'un ou plusieurs ouvrages entiers. Le résumé sera dans ce cas un moyen pouvant rendre plus aisées l'analyse critique et la comparaison, qui sont les véritables objectifs poursuivis par l'étudiant.

Dans tous les autres cas (à savoir dans 99% des situations), le résumé n'est absolument pas indiqué, et ce pour au moins 2 raisons essentielles:

1. Il incite l'étudiant, soit à faire un travail de pur recopiage, soit à reformuler avec ses propres mots des idées véhiculant un vocabulaire spécifique qu'il convient au contraire de respecter scrupuleusement. Le premier cas (recopiage) se présente généralement lorsque le professeur a déjà lui-même mis en évidence dans son syllabus les informations importantes (il s'agit d'un zèle pédagogique dont l'utilité est douteuse), ou bien lorsqu'il a lui même écrit ou énoncé un résumé (par exemple à l'entame d'un nouveau cours lorsque l'enseignant rappelle l'essentiel de ce qui a déjà été vu). Dans le second cas (reformulation), il s'agit tout au plus d'un moyen pour l'étudiant de vérifier pour lui-même qu'il a bien compris la matière. Pourtant, au moment de l'examen, le professeur exigera toujours que l'étudiant respecte le vocabulaire nouveau qui a été enseigné: chaque matière est comme une nouvelle langue dont il faut maîtriser l'usage!

2. Il incite l'étudiant à dissocier l'étape de compréhension de la matière de l'étape de mémorisation. Beaucoup d'étudiants passent l'essentiel de leur temps à résumer leurs cours, parfois même "au jour le jour". Ils attendent ensuite le blocus pour mémoriser ces condensés de matières qu'ils ont soigneusement constitués (soit en recopiant, soit en reformulant). Autrement dit, ces étudiants apprendront par coeur un résumé de chacun de leur cours en passant de longues heures à relire, re-relire, répéter oralement, mentalement, ou encore ré-écrire, croyant que cet effort pourra leur assurer la réussite. Grave erreur! Dans ce cas de figure, on rencontre évidemment de nombreux étudiants qui se plaignent de ne pas avoir eu le temps de terminer leurs résumés avant le blocus (c'est une raison couramment avancée pour expliquer un échec), et d'autres qui se réjouissent d'avoir trouvé d'excellents résumés sur la toile, ce qui leur épargne un travail précieux (effectivement, s'il s'agit de purement recopier des parties du cours ou de simplement reformuler dans des mots simples, pourquoi faire soi-même le résumé?). 

Or ce qui compte pour un étudiant c'est de mémoriser son cours tout au long de l'année, au fur et à mesure qu'il en comprend le contenu, qu'il en dégage un plan, une structure (voir nos autres articles à ce sujet), et qu'il y rajoute progressivement des détails en faisant de plus en plus de liens.

Plutôt que de recopier passivement ou de reformuler simplement, et ce en suivant linéairement le cours paragraphe après paragraphe et page après page, l'étudiant promis à la réussite va interroger la matière étape par étape, c'est-à-dire en l'explorant couche après couche (c'est un véritable travail d'archéologue): 

Couche 1. Dégager une vue d'ensemble grâce à un plan. Il s'agit de bien comprendre où veut en venir le prof, quels objectifs il s'est fixés et comment il compte y parvenir: l'introduction et la table des matières doivent être maîtrisées à fond en commençant l'étude (donc bien avant le blocus!).

Couche 2. Pour chaque section de chaque chapitre, se poser systématiquement la question suivante: "que m'apprend-on de nouveau et comment cette information nouvelle se relie-t-elle à ce qui précède?"; mais encore: "dans quelle mesure ces nouvelles données contribuent-elles à réaliser les objectifs fixés aux départ (cf. couche 1)?".

Couche 3. Faire des synthèses, c'est-à-dire regrouper certaines informations détaillées du cours en fonction de fils conducteurs différents (en fonction de critères précis de liaison, voire de comparaison). Plusieurs fils conducteurs permettent presque toujours de décomposer le cours en plusieurs ensembles cohérents d'informations: une ligne du temps si le fil conducteur est historique; un tableau comparatif d'auteurs, de techniques, de théories, etc. Les flèches, tableaux, crayons de couleur, et autres posters sont ici de mise: soyez créatifs!

Et le résumé alors? Pas besoin! Ne vous encombrez pas de choses inutiles et épargnez votre temps pour le mettre au service de la mémorisation à long terme, la seule qui importe vraiment pour votre réussite...

Nathanaël LAURENT
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Besoin d'aide pour mettre en place une méthode de travail alternative au "résumé"? Les coachs de COGITO sont à votre disposition sur simple demande.

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